LE TRESOR DE L'AUBERGISTE

(GURPS FANTASTIQUE)

  

 

  

UN PEU D’HISTOIRE...

Voila pres de 250 ans, le 32eme jour d’Eoros, le petit village de Tyrlax, dans les Terres du Nord, devint un lieu temoignant des lourdes pertes subies lors des Guerres de la Vraie Foi, alors que la discorde regnait entre les differentes factions du Culte des Saisons et du Culte de la Trinite.

C'est au cours de la nuit que l'attaque fut declenchee. Une troupe de guerriers du Culte des Saisons dirigee par Kohlan, un hero saisonnier a la reputation sanguinaire, tomba sur le village, soupconne d’abriter des fideles du Culte de la Trinite. La compagnie mit le village a sac, et aurait tue tout le monde si la troisieme division des Guerriers de Tohan, patrouillant dans la region sous la direction de l’Inquisiteur Aetilar, n'etait pas intervenue a temps pour stopper le carnage. Les soldats du Culte des Saisons furent mis en deroute, et les protagonistes purent assister a un duel entre Kohlan et l’Inquisiteur Aetilar. Au terme de ce combat, Kohlan parvint a blesser cruellement le lieutenant, mais se rendant compte que son armee etait en lambeau, il pointa simplement un index accusateur sur le l’Inquisiteur avant de disparaitre, laissant l'homme qui allait etre connu sous le nom du heros de Tyrlax, diriger la fin de la bataille.

Alors que les assaillants encore en vie prenaient la fuite, les vainqueurs ne purent que constater le massacre. Beaucoup d'innocents avaient peri, en particulier tous les locataires de l'auberge du village. Depuis ce jour sombre, cette auberge est maudite, et les personnages vont en faire les frais avant de (peut-etre) lever cette malediction…

 

 

LE SCENARIO EN QUELQUES MOTS

Chaque annee, la nuit du 32 au 33eme jour d’Eoros, l'auberge de l’epoque, aujourd’hui en ruine se "reconstruit" pour donner toute l'apparence de la realite. Les pauvres voyageurs qui y font une halte y passent une soiree relativement agreable quoiqu'etrange. Le lendemain, ils sont tous reveilles par l'attaque d'une petite armee du Culte des Saisons similaire a celle qui a fait irruption dans le village deux siecles et demi auparavant, et sont tues. Ils se reveillent alors dans les ruines de l'auberge et son maintenant prisonniers d'un cycle terrifiant : quoiqu'ils fassent, ils vont desormais chaque nuit se retrouver dans l'auberge et revivre les memes evenements, jusqu'a ce que leur esprit lache et que la folie les entraine au suicide, au meurtre ou a la demence.

Le village auquel appartenait l'auberge n'a jamais ete reconstruit, et l'endroit ayant sinistre reputation, il faut parcourir 5km de plus avant de trouver ame qui vive. Les gens qui vivent la  evitent d'ailleurs soigneusement le lieu maudit. Ils tentent de prevenir les voyageurs concernant l'auberge, mais ils n’y parviennent pas tout le temps. Beaucoup pensent que la malediction est liee a l'atrocite du massacre de la fameuse nuit de l’attaque du village, lors des guerres de la Vraie Foi, mais tous se trompent : l'origine est bien plus simple que cela, une injustice terrible qui empeche le proprietaire de l'auberge maudite de trouver le repos.

Prenez le temps de lire la nouvelle "Le tresor de l’aubergiste" a la fin du scenario : vous y apprendrez la triste verite que je vais resumer ici.

En ces temps de guerre et de desordre, Augern l'aubergiste etonnait tout le monde par son calme et sa confiance. A qui voulait l'entendre, il pretendait qu'il ne craignait rien car il avait sous son toit un grand tresor. Deux semaines avant la nuit tragique, un Lieutenant de la troisieme division des Guerriers de Tohan vint au village et s'installa a l'auberge. Frere Aetgan n'etait en fait rien d'autre qu'un deserteur qui avait detrousse son superieur avant de prendre la fuite. Il entendit bien vite parler du tresor de l'aubergiste et s'y interessa fortement. Apres avoir fouille la maison en vain, il entreprit de seduire la femme (pas tres belle et tres naive) de l'aubergiste, Fillia, esperant qu'elle en saurait plus. Mais la encore, l'operation se solda par un echec.

Alors, le soir du 32, craignant l'arrivee de son ancien corps d’armee, il usa d'un moyen desespere, en profitant de la naivete de la femme de l'aubergiste : il lui donna une drogue a melanger au repas de son pere en lui assurant qu'elle procurait joie et bonheur a celui qui la mangerait sans le savoir... Cette drogue euphorisante devait rendre l'aubergiste volubile et permettre a Aetgan de trouver le tresor dans la nuit, puis de disparaitre. Or Fillia donna a son mari une trop grande quantite de drogue, esperant que la joie et le bonheur obtenu serait plus grand encore. Mais prise en forte quantite, la drogue d'Aetgan avait la curieuse propriete de dissocier le corps de l'esprit de celui qui la prenait, et d'accelerer grandement les fonctions vitales. L'aubergiste mourut d'une crise cardiaque, alors que son esprit, voguant au-dessus de la scene, voyait Aetgan tenter d'arracher de sa bouche le secret du tresor. Rendu fou de colere par son echec, Aetgan tua Fillia pour ne laisser aucune trace, et s'enfuit dans la nuit. Lorsque l'attaque de l'auberge survint, presque tout le monde etait deja mort, mais l'esprit d’Augern continuait a voir toute la scene et en particulier le massacre de sa fille et du village. Conscient de la duplicite d’Aetgan, desole pour sa femme et la manipulation qu'elle avait subie, et desespere par la mort de sa fille, il ne pu acceder au repos et fut condamne a rester prisonnier du passe tant que le crime ne serait pas connu. C'est ainsi que des aventuriers sont "captures" puis condamnes a revivre la meme scene aussi longtemps que la culpabilite d’Aetgan ne sera pas demontree.

 

 

ARRIVEE A L’AUBERGE :

Les personnages sont sur la route pour une raison quelconque (a vous de voir !). Rien ne vous empeche d'integrer ce scenario a une campagne preexistante, a condition que le temps ne joue pas un role primordial : il y a en effet des risques pour que les personnages soient coinces pendant plusieurs jours dans le village. La nuit du 32eme mois d’Eoros, en plein hiver, une violente tempete de neige s'abat soudainement sur les personnages. Des voyageurs croises sur la route pourront leur apprendre qu'ils trouveront un petit village avec une auberge-relais a moins de 10 kilometres de la, et tout ce petit monde continue donc avec une visibilite reduite a quelques metres. A force de peiner dans la neige, alors que les chevaux renaclent et que la route devient de moins en moins praticable, les personnages apercoivent un peu de lumiere provenant de quelques batisses en bord de route : ils ont finalement avance plus vite qu'ils ne le croyaient, et voici enfin le village et l'auberge tant attendue.

Les personnages se precipiteront certainement a l'interieur, eventuellement apres avoir depose leurs chevaux aux ecuries attenantes (vide de tout palefrenier). Sans le savoir, il est deja trop tard pour eux. A l'interieur, ils decouvrent une salle commune avec un atre central. De larges tables sont disposees tout autour, et un chaudron degageant une odeur appetissante est suspendu au-dessus du feu.

La salle commune est occupee par plusieurs personnes, a commencer par l'aubergiste : Augern. Ce dernier va immediatement au-devant des personnages, et s'etonnant qu'il y ait des voyageurs par une nuit pareille, il leur proposera de les debarrasser de leurs affaires avant de les installer a une table pres du feu pour qu'ils se sechent. D’abord geles par la neige qui les a assaillis sur la route, la chaleur degagee par le feu finira par rechauffer les personnages, puis les envahira d’un agreable sentiment de bien etre, synonyme de confort douillet.

A une autre table, deux paysans (un grand et sec et un petit teigneux repondant respectivement au nom de Toron et Eken) sont en train de jouer aux des en attendant une accalmie pour rentrer chez eux. Plus loin, un guerrier de Tohan, visiblement un officier, est en train de gouter a la potee qui sert de plat du jour (il s’agit bien evidemment d’Aetgan). Un jet de Psychologie (-2 pour Aetgan permettra aux personnages de remarquer que tous trois les devisagent avec inquietude avant de reprendre le cours de leurs activites, rassures. Dans un coin de la salle, endormi et visiblement dans un etat d'ivresse avance, un homme sale et peu soigne, aux cheveux longs et emmeles est en train de ronfler (il s'agit de Volker, un autre aventurier pris au piege l'annee precedente). Un berceau en bois se trouve a cote de la place tenu par l’aubergiste, et enfin, a l'appel de son mari, Fillia, la femme de l'aubergiste, surgit de la cuisine et sert a manger aux voyageurs (une simple soupe) en puisant dans la marmite centrale.

A ce stade, les personnages pourront deja remarquer certaines choses etranges :

- tout d'abord, tout ce beau monde est vetu d'une facon demodee, portant des vetements aux coupes anciennes qu’on ne trouve plus meme dans les villages les plus recules.

- de plus, les villageois ont l’air tres pauvres, et mal nourris, alors que la region est assez prospere depuis la mort de l'ancien Duc, Kaoran.

- les deux villageois lancent des regards furtifs au Guerrier de Tohan, et semblent nerveux

 

 

 

LE DEROULEMENT DE LA SOIREE :

Maintenant, les personnages sont prisonniers du cycle. La soiree se reconstituera plus ou moins de la meme facon (avec quelques differences minimes a chaque fois, dans les dialogues par exemple) lorsqu’ils seront ramenes dans l'auberge. Voici les principaux jalons :

 

 

EVENEMENTS BIZARRES :

Comme nous l'avons deja evoque, toute l'auberge est une auberge fantome. La seule personne appartenant a la meme epoque que les personnages est le fou, Volker. Tous les autres s'efforcent de jouer un role et sont diriges par l'esprit de l'aubergiste, qui tente de reconstituer la soiree autour des personnages. Il ne peut pas indiquer directement son but, mais presente les choses comme elles sont, laissant les personnages comprendre eux-memes ce qu'on attend d'eux. Les personnages dotes d'un sixieme sens se sentent nerveux pendant toute la soiree, et a chaque fois qu'ils seront dans l'auberge.

De plus, certains evenements bizarres peuvent apparaitre dans l'auberge. Pour chaque soiree passee dans l'auberge, choisissez un joueur au hasard, et lancez 1d6 sur la table suivante. Seul ce joueur verra l'evenement indique.

D6

Evenement etrange

1

Une forte odeur de decomposition, de moisi emplit soudainement la piece, mais le personnage est le seul a le remarquer.

2

En tournant la tete, le personnage semble apercevoir a la limite de son champ de vision un homme pendu a une poutre. En regardant de plus pres, il n'y a rien.

3

Au fond de la piece, un homme est assis le regard vide, une epee plante dans le corps. Il disparait a peine a-t-il ete remarque

4

Un pan de mur entier apparait soudainement noir, comme s'il avait ete brule. Le mur reprend bientot sa forme normale

5

Il semble au personnage durant un bref instant entendre les bruis d’une bataille dehors, mais s’il sort, il constatera que tout est calme.

6

Alors que la femme de l'aubergiste est en train de servir son mari, des larmes coulent le long de ses joues. Pourtant, en y regardant de plus pres, elle est tout a fait de bonne humeur...

 

 

L’ATTAQUE DE KOHLAN ET SES HOMMES :

En pleine nuuit, alors que tout le monde est couche depuis longtemps, l'auberge est soudainement attaquee par une compagnie de soldats. Les personnages ne reconnaitront pas leurs armoiries, qui furent utilisees lors des guerres de la Vraie Foi par certaines armees du Culte des Saisons (ceux-ci peuvent representer des flocons de neige, une feuille de chene rousse, un gland, un epi de ble ou autre). S’ils sortent de l’auberge, les personnages pourront constater que l’auberge et le village (fantome) un peu plus loin sont attaques par une importante force armee, menee par un puissant guerrier. Determiner les caracteristiques de Kohlan suivant la force de vos personnages.

S'ils s'enfuient dans la direction opposee, les personnages finiront par tomber sur une armee de Guerriers de Tohan encore plus importante, qui se dirige vers le village (il s’agit de la 3eme division qui traquait Kohlan).

Gardez a l’esprit que la scene a ete vecue par l'aubergiste comme un cauchemar, est c'est ainsi qu'il la fera vivre aux personnages. Quoiqu'il arrive, les personnages tomberont, soit morts, soit inconscients, comme saisis d'une grande fatigue, et se reveilleront le lendemain matin dans les ruines de l'auberge maudite, trempes et transits de froid.

Les blessures ont disparues au reveil, mais curieusement, les armures deteriorees, les armes brisees et tout autre consequence materielle de la nuit seront bien reels, meme au matin. Demandez-leur ensuite un jet de Frayeur, avec un malus d’un point pour chaque journee deja vecue de la sorte.

 

 

INDICES :

Les personnages devront parcourir 5 kilometres de plus pour trouver le village de Tyrlax et sa veritable auberge-relais. La, la vie est normale, et vous pouvez mettre en scene un village irissien ordinaire. Parmi les personnages que les joueurs vont sans doute vouloir rencontrer, on peut citer Korden, l'aubergiste du relais de Tyrlax, Allan, un riche fermier qui fait office de bourgmestre et Helma, une vieille sorciere dont les personnages vont sans doute entendre parler. Il n'y a pas de pretre dans ce petit village, mais un simple monument dedie aux Dieux de la Trinite. Aucun batiment officiel autre ne s'y trouve, et les habitants sont tous des paysans ou des forestiers.

Voici une liste des informations que les personnages pourront decouvrir dans le village :

En utilisant tout cela, il est fort peu probable que les personnages comprennent quoi que ce soit. Mais rassurez-vous, c'est normal.

Que les personnages restent dans le village ou pas, rien ne changera : la nuit venue, ils se retrouveront dans la salle commune de l'auberge maudite. Il n'y a rien a faire contre la malediction. Les personnages ne pourront pas aller a plus d'une journee de l'auberge puisqu'ils y reviennent toujours au petit matin.

Rapidement, les personnages devraient comprendre qu'ils sont la pour faire quelque chose, mais quoi ? En s'organisant correctement, peut-etre parviendront-ils a survivre a l'assaut du village, voir a defaire Kohlan. Pourtant cela ne changera rien a leur sort. Le seul moyen de s'en sortir est d’accuser Aetgan de tous les maux qu'il a provoques (et d'en etre intimement convaincu, c'est-a-dire de disposer des preuves suffisantes). Voyons comment ces preuves peuvent etre trouvees.

 

Et si... Prisonniers de la malediction

          Une autre facon de jouer le scenario serait que les personnages ne puissent jamais sortir de la malediction qui s'est abattue sur l'auberge. C'est-a-dire que lorsqu'ils se font tuer lors de l'attaque du village, ils ressussitent directement dans la salle commune de l'auberge en debut de soiree, avec l'impression de s'etre assoupis et d'avoir dormi un moment. Ils n'ont donc pas la possibilite d'aller jusqu'au village bien reel de Tyrlax, et s'ils tentent de s'y rendre, ils ne feront que marcher dans la neige indefiniment, jusqu'a mourir de froid ou qu'une violente tempete s'abatte sur eux a la fin de la nuit, et les ramene dans la salle commune de l'auberge, comme decrit ci-dessus.

 

 

ENQUETER DANS LE PASSE :

Le seul moyen efficace de comprendre ce qui se passe est probablement de retourner de son plein gre dans l'auberge a la tombee de la nuit. Les personnages, quelque soit leur etat mental a ce moment, seront les seuls a voir l'auberge comme elle etait il y a 250 ans. Les personnes qui pourraient les accompagner n'y verront que ruines et ne comprendront pas les actes des personnages. Suivez la meme trame que lors de la premiere nuit, mais les differents intervenants (Aetgan, Augern et sa femme) tenteront de reagir de la facon la plus naturelle a ce que font les personnages. Souvenez-vous que tout ce beau monde est dirige par l'esprit de l'aubergiste et que celui-ci compte sur les personnages.

Les discussions avec les fantomes peuvent apporter quelques renseignements, mais tres peu, en fait : ils pourront rapidement soupconner Aetgan de ne pas etre ce qu'il dit : ses renseignements sont confus, et il lui arrive d’hesiter ou de se contredire. Interroger l'aubergiste au sujet de son tresor n'apporte rien d'autre qu'un sourire enigmatique. Pourtant l'aubergiste confirmera aisement qu'il en possede un, en effet ! Au cours de la soiree, il fera peut-etre mention du fait que sa fille va avoir deux ans dans deux jours... A vous de voir comment integrer cela dans la conversation.

Si les personnages, juste avant l'attaque de Kohlan, fouillent l'auberge, ils pourront peut-etre decouvrir le cadavre de l'aubergiste dans son lit : le pauvre homme est couvert de sueur, et un jet de medecine pourra confirmer qu'il s'agit la de la consequence d'une drogue, sans toutefois pouvoir definir exactement le type de plante utilisee. Dans la chambre de l'aubergiste, soigneusement cache sous le lit, les personnages pourront trouver une sacoche de cuir dans laquelle a ete emballe un petit bracelet en argent. Malhabilement ecrit sur un papier, un mot renseigne les personnages : "A ce que j'ai de plus cher au monde, ma merveilleuse fille, pour tes deux ans...".

Dans la chambre voisine, la femme de l'aubergiste a egalement ete tuee d'un coup d’epee en plein coeur. L’arme est introuvable, mais les personnages pourront se souvenir ou verifier que seul Aetgan possede une arme de ce type.

Plus tot dans la soiree, les personnages peuvent intervenir quand Fillia sert a manger a l'aubergiste. Dans la cuisine, ils pourront retrouver des restes de la plante qui produit les effets conduisant a la mort de l'aubergiste. La femme avouera assez facilement en avoir recu de la part d’Aetgan, ce qui devrait permettre aux personnages de resoudre cette enquete.

 

 

L’EMPOISONNEMENT :

Il s’agit d’une plante tres rare que l'on ne peut cueillir que dans les contreforts montagneux de Karaz-Nael. Elle est d'ailleurs a l'origine d'un intense trafic et est evidemment rigoureusement interdite dans la plupart des Baronnies.

Elle se presente sous une forme proche des orties, mais la feuille est bien plus urticante que sa lointaine parente. La cueillette ne peut se faire qu'avec des gants ! Elle se conserve dans une solution huileuse pour ne pas perdre son effet, et se consomme par voie orale pour obtenir l'effet maximal ou en l'infusant pour une version plus legere de ses effets.

Ceux-ci sont de trois ordres, en fonction de la dose que l'on consomme :

-  en faible quantite, elle a le meme effet qu'un euphorisant et peut etre employee comme serum de verite, la victime se trouvant dans un etat agreable et disert.

-  en plus grande quantite, elle produit l'effet recherche par certains sorciers : l'esprit est curieusement detache du corps, et l'utilisateur percoit le monde qui l'entoure avec une acuite accrue, pouvant meme deplacer son esprit au loin en disposant d'un minimum d'entrainement.

-  enfin, a plus forte dose, la plante provoque la mort de la personne qui l'ingere, le coeur etant accelere au-dela de son seuil de tolerance. De telles victimes sont couvertes de sueurs mais gardent souvent une expression beate meme dans la mort.

 

Cette courte nouvelle peut etre utilisee de differentes facons : sous la forme d'une histoire a raconter aux joueurs dans les temps creux d'une campagne, sous la forme d'une histoire que racontera un personnage dans une auberge ennuyeuse ou encore sous la forme d'une aide de jeu pour le scenario tire de cette histoire.

La pluie tombait a grosses gouttes dehors, transformant la route en un torrent de boue. Seule la lumiere se deversant depuis la porte ouverte de l'auberge eclairait un peu la nuit. Le grondement monotone de l'eau chutant sur le toit n'etait perturbe que par le hennissement lointain d'un cheval agace.

"C'est le genre de pluie qui dure plusieurs jours et qui rend les routes impraticables pour longtemps..." dit l'aubergiste presque pour lui-meme en se detournant du spectacle languissant.

Un coup d'oeil a la salle commune lui permit de se rendre compte que sa parole n'avait ete interceptee que par ce vieux voyageur qui etait en train de manger son brouet en faisant secher ses habits pres du feu. Un homme visiblement presse pour sortir par un tel temps ! Le reste de la salle n'etait occupe que par des habitues qui etaient en train de tromper leur ennui en jouant aux des, motives uniquement par la pensee du retour jusqu'a leurs fermes.

Reprimant un soupir, l'aubergiste referma la porte, n'assourdissant que legerement le vacarme du deluge, et se dirigea d'un pas mesure vers la table des joueurs.

"Eh ! Alerr ! Tu ne vas pas deja nous mettre a la porte ?" dit Derlan, le meneur, anticipant l'idee de l'aubergiste. "La soiree est encore jeune, et mes vieux os ne supporteraient pas d'etre trempes !"

"Oh, je n'y pensais pas encore, mais il faut bien dire que par ce temps, il n'y a pas grand travail a accomplir. Et puis les des m'ennuient tout autant", rajouta-t-il en repensant a ses pertes de la derniere fois...

"Et notre voyageur, continua un autre, ne pourrait-il pas nous distraire ? En jouant d'un instrument ou en nous racontant son voyage ?"

Tous les regards se tournerent instantanement vers le vieil homme. Celui-ci semblait ne pas avoir entendu la remarque, saucant de son pain ce qui restait de sa soupe. Pourtant, au moment ou l'aubergiste allait se detourner, le voyageur prit la parole...

"Mes voyages n'ont que peu d'interet... Seul compte ce que j'ai appris durant tout ce temps. Je me retrouve moi-meme coince ici, et votre compagnie vaut bien celle des princes. Ce lieu m'en rappelle un autre..." 

Il regarda l'aubergiste, soudainement songeur et son regard devint vague. Un sourire nacquit sur ses levres, comme s'il pensait a une bonne plaisanterie...

"Eh bien ? De quel lieu parlez-vous ? Racontez-nous !" lanca Derlan qui n'y tenait plus.

"Tres bien... C'est une histoire que j'ai apprise voila bien longtemps, et qui se deroula voila plus longtemps encore. Une histoire qui se deroula dans un lieu comme celui-ci..."

Les des roulerent une derniere fois sur la table et y resterent. Pendant que le voyageur commencait son histoire, l'aubergiste alla remplir une derniere fois les chopes avant de s'asseoir comme tout le monde. Les mots du conteur emplissaient la piece et firent oublier a tout le monde l'averse au dehors. Et les mots ramenerent a la vie un passe mort depuis deux cent cinquante ans...

"C'etait une nuit de pluie comme celle-ci, une nuit ou les larmes des Dieux ne parvenaient pourtant pas a eteindre les flammes qui consumaient le Royaume. Le Cultre de la Trinite, bien organise et puissant, combattait durement le Culte des Saisons, et Kohlan, un de leurs meneurs, avait fort a faire pour rassembler les diverses factions contre cette armee redoutable que formaient les Guerriers de Tohan. Les villageois, abandonnes par leurs seigneurs qui ne se souciaient alors que de leur propre securite avaient fort a faire, et le temps qu'ils passaient a garder les environs et a construire des palissades etait pris sur le temps des semailles, si bien que le pain commencait a manquer.

En ces temps troubles, plus que jamais, les gens avaient besoin de lieux de repos, et un tel lieu prend souvent la forme d'une taverne ou d'une auberge. Augern etait un aubergiste respecte et apprecie. Il tenait son etablissement dans une petite bourgade appelee Tyrlax, au coeur de la foret, et bien que la route qui traversait la bourgade fut peu frequentee, il parvenait vivre de son travail. De temps en temps, un petit groupe arme venait a faire une halte et Augern etait toujours heureux d'accueillir les combattants. A plusieurs d'entre eux qui s'etonnerent de la serenite de leur hote, malgre les affaires qui devaient "a coup sur" etre moins bonnes en temps de guerre, Augern repondait d'un regard malicieux, evoquant d'un air evasif "qu'il avait sous son toit le plus merveilleux des tresors. Un tresor qui lui apportait tout ce dont il pourrait avoir besoin".

Sa confiance etait inebranlable, et malgre les rumeurs annoncant la presence d’une grande armee de plus en plus pres du village, Augern et son tresor restaient quiets. Bientot, la fortune de l'aubergiste eveilla les curiosites, mais servait plus souvent de talisman contre le pessimisme que de sujet de discussion. "Si Augern n'est pas inquiet, pourquoi nous, ses voisins, nous inquieterions nous ?", disaient les autres villageois. Mais ils reprenaient tout de meme leurs rondes, parce que deux precautions valent mieux qu'une.

Un jour arriva a l'auberge un jeune homme, un guerrier de Tohan, sans aucun doute. Ses muscles roulaient sous son armure rutilante et il etait plutot bien fait de sa personne. L'homme, qui s'appelait frere Aetgan, se presenta en tant que lieutenant de l'armee de Tohan. Il fut accueilli avec tous les honneurs dus a son rang par Augern, qui (remarquant le sang seche qui tachait une partie de ses habits) vit en lui un grand guerrier. Peut-etre l'eut-il accueilli avec moins d'empressement s'il avait su que l'homme n'etait qu'un deserteur, qui s'etait empare sur le champ de bataille des affaires de son superieur, mort au combat.

Le gredin ne mit pas longtemps a entendre parler du tresor de l'aubergiste. Et tout a sa cupidite, il voulut en savoir plus. Pretextant un rendez-vous secret, il s'installa a l'auberge pour plusieurs jours, et profita de ses nuits pour examiner chaque recoin de la batisse, n'hesitant pas a penetrer le jour dans la chambre de son hote, et meme dans celle de sa fille. Mais le tresor restait cache, et Aetgan se sentait blesse dans son amour-propre par cet echec.

C'est alors qu'il se tourna vers la seule personne qui pouvait la rapprocher de ce qu'il appelait deja pour lui "son tresor". La femme de l'aubergiste devint une victime de choix pour l'avidite du faux-capitaine : sans etre vilaine, la femme de l’aubergiste, qui se prenommait Fillia, n'etait pas non plus a proprement parler une belle femme. Mais elle avait herite de sa mere la gentillesse et l'altruisme que la nature avait toutefois saupoudre  d'une certaine naivete. Il ne fallut pas longtemps au deserteur pour conquerir son coeur, exacerbant ses bonnes manieres, ne manquant pas une occasion pour l'aider dans ses taches quotidiennes.

Mais, ou qu'il connaissait la nature insouciante des femmes, ou qu'il n'avait pas eu le temps, l'aubergiste n'avait pas mis sa femme dans la confidence, et Augern en fut une fois encore pour ses frais. Le front de combat se rapprochait, et le temps commencait a presser. Augern desirait tout sauf rester dans l'auberge quand les Guerriers de Tohan parviendraient jusqu'au village. Il pensa alors aux plantes dont il disposait dans son sac, et qu'il consommait occasionnellement - une vieille et mauvaise habitude qu'il gardait de sa vie a Iris. Cette plante, une fois ingeree, mettait celui qui la mangeait dans un etat d'euphorie, un etat durant lequel les perceptions etaient alterees et ou la mefiance etait moindre. Cette plante, si l'on savait en faire bon usage, etait capable de delier la langue du plus recalcitrant. S'il parvenait a la faire prendre a l'aubergiste, quelques questions suffiraient a lui faire avouer ou il cachait son tresor...

Fillia revint aussitot au centre de ses preoccupations. Puisqu'elle ne savait rien sur le magot, autant l'utiliser pour parvenir jusqu'a lui :

- Je dois bientot repartir au front (son visage avait pris un ton peine qui trompa la pauvre femme), et comme je ne sais pas si je vais en revenir, je voulais te remercier et me faire pardonner aupres de ton mari. Malheureusement, je n'ai pas de cadeau a t'offrir, si ce n'est une plante aux grandes vertus.

La femme, etonnee attendait la suite avec impatience. Le gredin poursuivit :

- Cette plante, quand on l'avale, permet a celui qui la mange d'etre transporte de joie, une joie qui lui permet de toujours voir la vie d'une facon avantageuse. Mais celui qui la mange ne doit pas le savoir, car sinon son attente transforme et inverse les effets. Ainsi sont les proprietes de cette plante…

Il ne mentait pas tout a fait, mais profitait de la naivete de Fillia pour lui presenter des double-sens qu'elle interpreterait forcement d'une facon heureuse. Et ce qui devait arriver arriva : remerciant abondamment pour son cadeau, elle se jura de melanger des maintenant la plante au repas du soir de son mari, afin que son acte rachete son infidelite. Mais comme elle voulait le meilleur pour son mari, elle y melangea tout ce que lui avait donne Augern, ce qui etait beaucoup trop...

La nuit venue, esperant que la drogue avait fait son effet, le gredin s'introduisit subrepticement dans la chambre de son hote dans le but de recueillir les confidences tant attendues. Mais l'effet etait trop fort : l'aubergiste etait bien emprisonne dans les consequences de l'euphorisant, mais son corps etait mis a rude epreuve : de la sueur coulait sur son visage, et son coeur etait parti dans une sarabande endiablee. Les questions du vaurien ne recurent que des reponses tronquees et incomprehensibles, et avant qu'il n'ait pu parvenir a ses fins, le coeur de l'aubergiste marqua la fin de la danse. Le pauvre Augern expira une derniere fois, un sourire aux levres.

Maudissant sa malchance, Aetgan comprit son erreur et fulmina longuement contre cette sotte de Fillia, attribuant son malheur a tous ceux qui lui avaient (croyait-il) cause du tort. Il n'etait plus question pour lui de rester dans l'auberge, car aussi bete soit-elle, la femme de l'aubergiste ne mettrait pas longtemps a comprendre le role du deserteur. Et sans se soucier des consequences de sa cupidite, il tua cette derniere et rassembla ses maigres affaires avant de quitter la demeure sous la pluie battante.

Plus tard dans la nuit, l'armee de Kohlan fit irruption dans la petite bourgade. Tous les habitants du village furent massacres. Peut-etre que les Dieux, pris de remords, voulaient effacer les traces du drame qui s'y etait deroule. Les soldats ne s'arreterent pas trop sur les corps de l'aubergiste et de sa femme. Sa fille fut passee par la lame de l'epee peu apres.

Mais dans un dernier elan de justice, Eros scella egalement le sort du deserteur. Alors qu'il croyait s'etre echappe du carnage, le pauvre fut rapidement retrouve par une patrouille de Guerriers de Tohan qui le ramena jusqu'au camp. La, un lieutenant le reconnut pour ce qu'il etait, et decreta sa mise a mort : il venait de decouvrir le massacre du village et sa pitie s'etait enfuie devant l'atrocite du spectacle.

C'est ainsi que les trois sots de mon histoire se retrouverent dans les limbes a jamais : l'aubergiste qui avait ete trop confiant, la femme qui avait ete trop naive, et le gredin, qui avait ete trop cupide..." »

La pluie coulait toujours le long du toit de l'auberge quand le vieil homme eut termine son histoire. Mais la nuit etait bien plus avancee.  Alerr tentait en vain de s'arracher a la scene du carnage, regardant soudainement les fenetres sombres de son auberge avec un tout autre oeil. Mais l'assemblee etait decue malgre tout : les villageois n'avaient pas l'habitude de s'entendre raconter des histoires qui se terminent mal. La nuit promettait d'etre agitee, et cela n'etait pas vraiment une benediction !

Alerr decida soudainement qu'il souhaitait le plus rapidement possible se retrouver dans son lit bien chaud, car un desagreable frisson s'amusait depuis quelques minutes avec son echine.

"Il est temps de rentrer chez vous" lanca-t-il a la cantonade.

Comme un seul homme, tous les villageois attables se leverent. Mais tandis qu'Alerr rangeait les chopes dans son armoire, une personne s'approcha du vieil homme, qui etait deja en train de s'installer pour la nuit. C'etait Derlan, l’un des joueurs de des. Se penchant vers le voyageur, il lui demanda a mi-voix, de facon a ce que l'aubergiste ne l'entende pas :

"Tu as passe une chose sous silence, mon ami : qu'est-il advenu du tresor de l'aubergiste ?"

Le conteur jeta un regard etrange au villageois, un regard dans lequel se melangeaient l'amusement, le mepris et le defi. Et il lui repondit :

"Voila peu, un voyageur qui avait entendu cette legende se rendit dans les ruines de l'auberge. Durant des jours, il fouilla tous les recoins, degageant les poutres et remuant la terre. Il mit a jour un petit paquet de cuir, dans lequel se trouvait un petit bracelet d’argent abime par le temps. Un mot a peine lisible l'accompagnait : il y etait ecrit "A ce que j'ai de plus cher au monde, mon tresor, ma vie, en l'honneur de ton deuxieme anniversaire"

Derlan croisa pendant un bref instant le regard du vieux puis decida qu'on s'etait assez joue de lui. D'un pas enerve, il s'enfonca sous le rideau de pluie. Alerr referma la porte et se dirigea vers l'escalier.

"Bonne nuit, voyageur !" dit-il sans trop y croire

"Bonne nuit, aubergiste..."

 

Mario Heimburger

(Version originale : Eastenwest.free.fr)

 

 

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